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Iraq Peace Team (Canada) Rapport de Lisa Ndejuru
Le temps file, nous sommes déjà le 12 mars 2003,
Chaque jour je me dis que plutot d’écrire à chaque
fois un roman, je devrai vous envoyer de nombreux
petits messages. Mais je n’y arrive pas. Je rumine les
informations et les influences pour vous les
transmettre une fois la poussière tombée. Des
particules en suspension comme la fausse neige dans
une boule de souvenir. Je suis très lente pardonnez
moi.
Nous avons celebré la journée internationale des
femmes en faisant une vigile devant les Nations Unies,
en solidarité avec nos amies code pink4peace qui
encerclaient la maison blanche à Washington. Nous
avions acceuilli une délégation fantastique de ces
femmes en rose le mois dernier.
Monsieur Wadaa, la personne responsable de nous auprès
du gouvernement, est venu nous visiter en fin de
soirée pour prendre un Pepsi avec nous et jaser. Je ne
suis jamais bien sure de ce qu’il pense de notre
travail, si il approuve, si il y croit. Je sais qu’il
est attiré, qu’il respecte ceux dans le groupe avec
lesquels il a eu l’occasion pendant ces années de
transiger. Je sais qu’il doit nous défendre parfois
auprès de gens de son gouvernement qui nous apprécient
moins. Je sais qu’il admire la constance du groupe.
Mais il doit se dire parfois qu’ils sont fous ces
américains.
Et ces américaines alors ….! Il faut comprendre qu’en
février lorsque les code pink4peace étaient présentes
(et elles ne sont restées qu’une dizaine de jours),
c’était comme un tourbillon fuchsia d’énergie de
détermination, qui nous secouait tous et toutes.
Monsieur Wadaa nous a nous a demandé s’il ne nous
restait pas une photo de Média Benjamin, l’une des
co-fondatrices de codepink4peace. Il venait juste de
la voir a la télévision en train de se faire enchainer
à la grille de la Maison Blanche. Elle nous avait
prevenu qu’elle allait le faire lorsqu’elle est partie
d’ici il y a quelques semaines. ?a avait fait sourire
Monsieur Wadaa à l’époque.
Iqbal est une grande amie de notre groupe. Avant la
première guerre du golfe, Iqbal était enseignante.
Elle avait une grande maison à Basra, des meubles
d’Italie. Vint la guerre, et son mari fut appellé à
combattre. La devise iraquienne a perdu toute sa
valeur. Un dinar qui valait 3 dollars US achetait 100
oeufs, aujourd’hui il faut plus de 100 dinars pour
acheter un oeuf. Iqbal et son mari ont fait comme bien
des gens, ils ont tout vendu: les meubles, les livres,
les bijoux. La grande maison vide a pu acceuillir des
membres de la famille. Aujourd’hui ils sont 24 a s’y
serrer les coudes.
Les bombardement du sud de l’Irak n’ont jamais
complètement cessé depuis 1991. Ces jours ci, en mars
2003, les avions américains font de 500 à 800 sorties
au dessus de cette même partie de l’Iraq et
terrorisent les gens en lâchant quelques bombes de
temps en temps pour s’assurer que s’ils devaient
“vraiment” les attaquer, l’effet de surprise soit
préservé.
Iqbal a donné naissance a un fils Hayder, puis un peu
plus tard a son frère Mustapha. En 1999 une bombe
savante (un peu comme celle qui a brulé vivants les
408 femmes et enfants qui avaient trouvé refuge dans
l’abri a Amaryia) s’est écrasé dans le quartier où vit
Iqbal. Cette bombe a tué son fils Hayder. Mustapha est
vivant, c’est un petit garçon de six ans espiègle et
tendre. Il lui reste dans le corps le même métal que
celui qui a coûté la vie de son frère. Les médecins
n’ont pas de quoi l’opérer ici. Il manque toujours des
pièces d’équipement médical ou de maintien ou les
médicaments ou…
Je ne connaissais pas l’histoire de Iqbal. La femme
que j’ai rencontré lors d’un évenement à l’usine de
traitement d’eau Wathba, ici à Baghdad en février
dernier m’a été présentée sous le nom de Um-Hayder.
C’est en lisant un texte qu’un collègue a laissé sur
l’un des écrans du bureau que j’ai appris que
Um-Hayder signifie: maman de Hayder.
La semaine dernière Chris est arrivé du Connecticut
avec le mandat d’emmener Um-Hayder et Mustapha aux
?tats-Unis. Mustapha doit y recevoir des soins et
Um-Hayder va témoigner de son histoire.
Toute la semaine nous avons retenu notre respiration
collective, d’une part à cause du rapport de Monsieur
Blix. Et tellement plus près de nous Um-Hayder qui
n’arrivait pas a résoudre ses problèmes de passeport.
De jour en jour, il manquait une pièce d’information.
De jour en jour Chris reportait son voyage de retour.
Chaque matin il reprenait confiance et chaque soir il
pleurait de rage et d’impuissance tellement le temps
semblait critique. Tellement la semaine dernière
semblait parfois être la derniere. Finalement
Vendredi, le rapport et, Samedi, le calme plat. ( Je
ne compte pas les bombardements dans l’ouest, le nord
et le sud, les patrouilles aériennes américaines et
britannique ou les présumés marines américains
attrapés par les Nations unies à la frontière occupés
à couper le barbelé entre l’Iraq et la Jordanie).
Hier nuit Um-Hayder a recu ses papiers de voyage. Ce
matin elle partait avec Chris dans la voiture qui
l’emmenait à l’aéroport. On y croyait plus. Mais c’est
vrai. Il ne suffit pas d’y croire mais peut-être que
ça aide parfois, un peu.
Hier soir on a dansé on a chanté. La chargée d’affaire
des philippines, Madame Grace Princesa Escalante à
profité de la journée internationale de la femme pour
nous inviter à une soirée karaoké. Elle avait invité
ses amies iraquiennes et leur conjoints et leurs
enfants. Lita et la fille de l’une d’entre elles a 25
ans et travaille dans l’ambassade du Venezuela. Son
frère est en Hollande depuis trois ans et lui manque
beaucoup. La famille pense peut-etre immigrer au
Canada. Je discutais avec elle. Elle me parlait de
mariage et d’enfant. On parlait du manque de vision
d’avenir combien c’est difficile pour elle d’envisager
l’autre et encore moins un enfant quand elle a parfois
tant de mal a y arriver, elle qui se sait privilégiée.
La soirée chantante a commencé. Tout le monde était un
peu géné, endimanché. Sauf Madama Grace. Toute petite
et énérgique avec son micro de karaoké, elle s’est
lancée la premiere: une vieille chanson que nous
connaissions tous un peu et dont je ne me souviens
plus du nom et ensuite Jeremy a fait le cloune. Il a
fait chanter Thorn entamé “Imagine” de Lennon, et la
glace était brisée. Il y a eu des chansons bien aimées
mais dont personne ne connaissait la mélodie. Les
chanteurs restaient muets devant l’écran se tenant par
la taille, se balancant, micro en main,et, le temps
du refrain plus connu quleques sons deux trios voix,
des fous rire. Je n’ai pas rit comme ça depuis
longtemps
Micheal a chanté “ Waltzing Mathilda” pour Cynthia qui
voulait tellement valser. Jerry dansait avec elle,
enfin au moins il essayait. ?a m’a fait tout drole de
voir, des gens danser, se tenir par la taille. Ici on
ne se touche pas . Les femmes peuvent être proches
entre elles et les hommes se tiennent souvent par la
main mais entre les retenues moyen orientales et
celles de mes amis américains je n’ai tenu personne
dans mes bras depuis plus d’un mois maintenant.
J’avais le corps tellement content de voir les gens
danser que je n’ai pas osé me joindre a eux,
tellement la sensation me paraissait demesurée et
incontrollée. Nous avons appris une danse arabe en
faisant la chaine de nos mains, un pas qui ressemble
aux dans que j’ai vu dans les fêtes grecques à
Montréal. Lita a dansé avec son père. J’ai appris une
nouvelle manière de claquer des doigts.
C’est bon de rire. C’est tellement facile d’oublier,
de culpabiliser, de s’en vouloir, de se faire prendre
par les circonstances, d’abandonner l’espace d’un
pouvoir créatif. J’ai rit de soulagement, tellement
que j‘en avait mal a la tête, pas a tue tête, pas
strident, mais ca faisait tellement longtemps que la
pression accumulée était forte.
Je souris encore
Grosses bises de Baghdad
Lisa
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