L'ÉQUIPE
DE PAIX POUR L'IRAK | RAPPORTS
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16 Mars 2003
Vu que la visite à l'hôpital El-Mansour
a été annulée, je profite de la visite d'une
délégation asiatique de Paix pour me rendre à
l'université de Baghdad. Les membres de la délégation
provenaient de 4 pays d'Asie, à savoir, Philippines, Indonésie,
Corée et Pakistan.
Après la rencontre avec les officiels irakiens, nous avons
interrogés les
étudiants du département de la langue anglaise sur
la situation dans leur
pays, et sur la menace de guerre américaine. Précision
: La salle est à
majorité écrasante de filles, seuls 2 étudiants
représentent l'autre sexe.
En réponse à notre question ; ils étaient unanimes
pour dire leur
incompréhension du reste du monde à leur égard,
notamment pour ce qui est de
l'implacable politique des sanctions économiques sur leur
pays et les
conditions de vie quasi-inhumaines qui en découlent pour
les populations.
À la question est-ce que les Irakiens accueilleraient les
Américains en tant
que libérateurs? Réponse franche, sans équivoque
: jamais! Les Américains ne
seront rien d'autres que des agresseurs du peuple irakien. À
la fin de la
période questions-réponses, je demande au responsable
du ministère des
affaires étrangères irakiennes, la possibilité
de m'entretenir plus
longuement avec des étudiantes. Ce qu'il m'accorda. J'ai
eu donc
l'opportunité de parler à Niam, Sabaa, Racha et Rafia,
toutes âgées de 20
ans. La discussion est à bâtons rompus.
Du fait que je parle arabe et que mon pays, l'Algérie, a
plutôt bonne figure
dans l'histoire contemporaine des Arabes, les jeunes filles m'entretiennent
sans barrières et s'expriment sur des sujets aussi variés
que la politique
internationale des Etats-Unis, la question du voile chez les femmes
musulmanes, la destruction de la société irakienne
sous le joug des
sanctions économiques, la politique d'agression de l'État
d'Israël vis-à-vis
des Palestiniens, l'incapacité du monde arabe à défendre
ses intérêts et ses
populations, notamment la ligue arabe qui n'a jamais, depuis sa
création,
résolu le moindre problème des pays membres.
Bien qu'elles divergent sur certaines questions, notamment le port
du voile,
que et la notion de démocratie chez les occidentaux, les
4 jeunes filles
vivent la même inquiétude sur l'avenir imminent de
leur pays. Pour Racha, le
problème du voile est secondaire. " Nous n'avons jamais
eu à nous préoccuper
plus que cela, en Irak, c'est une affaire individuelle. On a jamais
exigé de
ma mère qu'elle le portât et elle ne l'a pas fait avec
moi. Bien sûr, le
voile aide beaucoup de femmes qui n'ont pas les moyens de se vêtir
autrement
avec le coût exorbitant de la vie alors que peu de monde parviennent
à
gagner un dollar par jour.
Les jeunes filles m'ont demandé de dire aux Américains,
que le peuple
irakien n'est pas violent, qu'il n'est pas terroriste et qu'il ne
comprend
pas pourquoi est-ce que les Etats-Unis s'acharnent contre lui depuis
plus de
12 ans. Rafia insiste qu'elle a perdu son père lors de la
guerre du Golfe,
que ses 2 frères en sont handicapés pour toujours.
Pourquoi est-ce que les
soldats américains et britanniques vont encore détruire
le peu qui reste de
mon pays et de mon peuple? J'ai parlé de la grande mobilisation
de soutien à
travers le monde, de la position de certains pays anti-guerre et
de mon
espoir que ces forces allaient empêcher l'agression américaine
contre leur
pays.
À l'expression de leur regard, je me suis rendue compte
que la lueur
d'espoir était plus que faible. Surtout, quand Racha ajoute
: Je crois que
les populations sont un peu comme chez nous, elles ne décident
de rien. En
Amérique, on frappe les manifestants. C'est bush qui décide.
Au bout de 1h
30 d'entretien, je quitte les étudiantes, le cour partagé
entre ce refus
obstiné de croire à la guerre et cette poignante réalité
qui la rendait
inéluctable, tant dans l'air que dans les esprits.
Zehira Houfani
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