nowar-paix nowar antiwar iraq canada ottawa
[ FRONT ]
Report-28:Et après les bombardements / Zehira Houfani
L'ÉQUIPE DE PAIX POUR L'IRAK | RAPPORTS | MESSAGES POUR |

22 mars 2003

Avec d'autres membres de IPT, je me rends sur les différents sites bombardés durant la nuit. Le bâtiment du ministère de la planification est largement détruit. Les ruines du Palais présidentiel sur la rive du Tigre fument encore des heures après avoir été bombardé. Sur la rue El-Mansour, le missile est tombé à 20 h.

Plusieurs résidences ont été endommagées sous l'impact des explosions. Mohamed Nadjih, 70 ans a été blessé alors qu'il marchait non loin de sa maison, soufflée elle aussi par les missiles. Le mur d'une autre résidence s'est effondré sur ses occupants, dont Fatma, une enfant de 10 ans, blessée à la poitrine et aux 2 bras.

Les traces des bombardements sont partout présents et bientôt Baghdad défigurée par la haine, la bêtise et les bombes, ne ressemblera plus à Baghdad la merveilleuse, Baghdad des mille et une nuits fauchée par le monstre américain.

Juste en face de ma chambre d'hôtel, Al-Andalus, sur la rive du Tigre s'affichent les décombres de la marina, avec toutes les carcasses encore fumantes des bateaux sur fond de terre brûlée. Le spectacle m'empoigne le cour et je maudis ces faiseurs de guerres et de désastres qui osent parler au monde de paix et de démocratie.

En fin d'après-midi, j'accompagne Peggy au camp de la station de traitement des eaux. Nous arrêtons chez des commerçants irakiens pour nous ravitailler en nourriture et fruits. Dès que je parle arabe, les Irakiens tentent de deviner mon origine par l'accent, souvent avec succès, quelques fois, ils me prennent pour une Marocaine ou Tunisienne. Nous achetons des sandwichs au poulet et le commerçant nous fait cadeau d'une bouteille de sauce d'importation, précise-t-il pour souligner la valeur de la chose, vu la grande dévaluation de la monnaie locale.

Nous arrivons au camp à 5 h et le groupe était parti pour une marche dans le voisinage, histoire de rencontrer les populations irakiennes et pouvoir établir des liens. Alors que nous attentions, Peggy et moi, le retour des autres, une petite fille habitant de l'autre côté de la station vient me dire que sa sour qui parle anglais, précise-t-elle pensant que je ne parle pas arabe, souhaitait me parler. Je promis d'aller la voir plus tard quand mes collègues seront rentrés. Ce que je fis.

Je me présente devant une grande maison, que je trouve superbe une fois à l'intérieur. Je suis agréablement surprise par la chaleur et l'hospitalité de mes hôtes. Certes, c'est Rana, l'aînée de Amal qui m'accueille, mais nous sommes aussitôt rejointes par la mère qui tenait un plateau contenant le fameux thé irakien et des gâteaux. Je suis conduite à travers un très beau jardin menant jusque derrière la maison et donnant sur le bord du fleuve. La mère me dit s'appeler Ibtissam (sourire) et je me présente à mon tour. Je suis chanceuse de me présenter aux gens sous l'étiquette canadienne d'origine algérienne. Le Canada n'est pas très mal vu par les populations arabes et l'Algérie faisait figure de pays héroïque depuis sa guerre de libération contre la France coloniale.

Ibtissam a 36 ans et mère de 2 filles 15 ans et 10 ans et un garçon de 12 ans. Elle me dit son angoisse quotidienne face à la guerre et aux conséquences pour ses enfants, sa famille. Qu'est-ce qui va nous arriver? demande-t-elle une grande tristesse dans les yeux. J'avais de la peine à trouver les mots de circonstance et pourtant Dieu sait combien j'aurais voulu la rassurer. Ibtissam n'est pas très politisée, mais pourtant, je retrouve chez elle ce besoin de liberté, cette aspiration à vivre dans un pays sans peur et sans dictature, cette aspiration commune à toutes les populations arabes. J'en savais quelque chose, moi dont le pays a été dévasté par la haine, la violence et la répression. " Qui sont ces Américains qui bombardent nos villes et nos foyers? qui tuent nos enfants? Et de plus, ils nous disent dans leurs tracts qu'il ne faut pas résister. Faut-il laisser leurs soldats nous massacrer sous prétexte qu'ils nous libèrent? " m'interroge Ibtissam en me regardant. " Dieu ne les laissera pas faire, Allah ou Akbar ", répondis-je en forçant ma conviction.

C'est avec un cour chargé de tristesse, mais les mains de roses par la grâce des jeunes filles que je regagne mon groupe au camp. Cette nuit, pendant la longue veillée, nous avons parlé des millions " d'Ibtissam " qui souffrent en Irak par la faute de l'administration américaine par la guerre, par les sanctions et bien entendu par la dictature, de quelle que nature qu'elle soit.

Zehira Houfani

Palestine no war ( guerre ) peace iraq no war ( guerre ) peace iraq no war ( guerre ) peace iraq