L'ÉQUIPE DE PAIX POUR L'IRAK | RAPPORT | Messages to
Trouver de l’espoir dans la résistance.
Lisa Ndejuru
Received: Thursday, February 20, 2003 15:06:48 -0500 (EST)
Baghdad, le 14 février. Chaque jour cette semaine,
nous avons veillé aux portes des Nations Unies. Nos
énormes bannières disaient “inspection oui, invasion
non” en anglais et en arabe. A 19h30, vingt à trente
personnes parmi nous se sont rassemblées de l’autre
côté de l’autoroute. Nous avons installé une tente et
nous attendons, tout comme les soldats armés en face.
Les inspecteurs déferlent dans leurs gros camions de
l’ONU et nous les saluons parfois.
Hier, un inspecteur est venu nous remercier. Il nous a
dit que nous ne pouvions savoir combien notre présence
leur était importante. Nous les avons salués dès leur
arrivée à l’aéroport, et nous avons tenu ferme depuis,
quoi qu’il arrive, sous la pluie et le soleil. Il a
plu sur Bagdad aujourd’hui. C’était la première fois
depuis presque trois semaines.
Chaque après-midi, nous participons à des actions sur
l’un des nombreux lieux civils qui ont été bombardés
lors de la dernière guerre et qui sont aujourd’hui
vulnérables. Notre bannière dit: “bombarder ce site
est un crime, article 54 de la Convention de Genève”.
Nous nous dirigeons à ces sites, nous y accrochons nos
bannières et nous parlons à la presse. Et cela, tous
les jours, dans toutes les langues avec lesquelles on
sait se débrouiller.
Nous sommes allés à une usine électrique, à une
centrale de traitement de l’eau et à un hôpital.
Aujourd’hui, nous nous sommes rendus à un pont.
Les Irakiens réagissent. Ce matin à l’ONU, Faroukh
s’est élevé et à entrainé tout le monde à chanter “We
Shall Overcome” en arabe. De l’autre côté de la rue,
les gardes armés dansaient. Cet après-midi sur le
pont, un homme distribuait des oranges en souriant.
Tous les jours, on nous demande si l’on croit que ce
que l’on fait est utile. Si l’on n’a pas peur d’être
utilisé par le gouvernement. Si nous prévoyons rester
si la guerre a éventuellement lieu, et pourquoi.
Quand je suis arrivée a l’hôtel tard hier soir,
Mohammed le réceptionniste me donna ma clé en
souriant. Il m’avait vue à la télé.
C’est toujours dangereux de paraître à télévision
locale, car on ne sait pas de quelle manière nos
propos seront représentés. Mais quand je vois les
médias américains et la façon dont ils nous présentent
parfois là-bas, je comprends que ça n’a rien à voir
avec la langue et les différences culturelles. Tout le
monde a une intention cachée. La nôtre, c’est la paix.
Je n’ai jamais pensé que ça serait si délicat. Je ne
pensais pas qu’il y aurait tant de résistance.
On organise une grande marche ici le 15. On essayera
d’arranger la diffusion par satellite sur
www.indymedia.org (Jackie ici s’en occupe). À ce qu’il
paraît, New York ne donne pas de permis pour
manifester le 15. À ce qu’il paraît, ils veulent
décourager le peuple et réduire le nombre de
participants. À ce qu’il paraît, ça n’arrêtera
personne. Si je comprends bien, le gant est jeté. J’ai
entendu dire que des manifestations gigantesques sont
prévues aux É.-U. et à travers le Canada et le monde.
Des occupations de lieux et peut-être même des blocus.
Je n’ai jamais vraiment participé à de grands actes de
désobéissance civile. J’avais peur des conséquences.
Eh bien, j’espère qu’il y en aura des conséquences à
cette manifestation. J’espère que le Canada suivra la
France pour braver les menaces des sanctions
américaines. J’espère que le Canada se positionnera
clairement contre la guerre et s’alignera avec les
forces qui promeuvent la paix dans cette région. (Et
qu’ils n’envoient pas les forces canadiennes pour
libérer les forces américaines prises dans d’autres
régions non plus). J’espère que ce conflit servira
d’outil permettant à mieux comprendre comment gérer
les conflits entre les nations dans le futur. J’espère
que le cours des choses tournera. J’espère qu’on sera
des millions à manifester.
Mais j’espère aussi qu’ils n’enverront pas du gaz
poivre et lacrymogène. J’espère qu’il n’y aura pas de
blessés. Faites attention, les manifestations ne sont
plus ce qu’elles étaient. La résistance vous
surprendra aussi. Ça devrait nous apprendre quelque
chose.
Beaucoup d’amour de Bagdad,
Lisa
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