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[ FRONT ]
Premier rapport du contingent de l'Équipe pour la Paix en Irak
L'ÉQUIPE DE PAIX POUR L'IRAK | RAPPORT | Messages to

Choc et crainte
31 janvier, 2003

"On doit démanteler le mur de disinformation érigé par les États Unis et le Royaume Uni... Je suis consterné que Bush pense que les personnes informées accepteront ce qu'il dit comme évidence... Il n'y a pas un point dans le discours sur l'État de l'Union qui ne peut être réfuté par les faits." -- Hans von Sponeck (paraphrase), conférence de presse de CESR, Bagdad, 30 janv. 03.

Bagdad, le 30 janvier, 2003.

peace team ottawa Le bruit d'un mariage mélangé avec des klaxons de voiture et le bruit des moteurs entrent avec la brise fraîche d'une soirée d'hiver de Bagdad. La vie à Bagdad suit son allure urbaine frénétique, invaincue de façon ou d'une autre par plus d'une décennie de guerre à basse intensité et les intimidations de Bush dans son discours sur l'État de l'Union.

Hier matin, nous avons quitté Amman pour commencer le voyage de 12 heures en voiture vers Bagdad. Heure après heure, des pétroliers naviguent vers nous en occident, apportant le pivot de notre système économique - et le volant de plusieurs dans la région du Golfe. Le pétrole sortant de l'Irak que nous avons vu est vendu dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture". L'insuffisance de ce programme pour satisfaire les besoins de base des irakiens est plus évidente que jamais, selon un rapport rendu public par CESR lors d'une une conférence de presse que nous avons suivie ce matin à Bagdad (www.cesr.org).

Le programme pétrole contre nourriture a été introduit en 1996 comme "réponse de la communauté internationale" aux conséquences dévastatrices des sanctions imposées contre l'Irak. Pendant que nous conduisions au sud de Bagdad, le contraste entre la Jordanie- avec son paysage vide et rigide, les bâtiments relativement humbles d'Amman, les tentes tout au long de la route - et l'Irak - avec ses excellentes routes, les villes modernes, l'architecture expérimentale de Bagdad - témoignent de la prospérité d'avant-guerre du dernier. Une prospérité qui a été étirée au maximum la décennie passée: L'Irak est une société dont les systèmes essentiels interdépendants - électricité, eau, santé, distribution de produits alimentaires - ne peuvent soutenir aucune autre pression. L'agression projetée par le Pentagone fournira cette pression supplémentaire. Selon le Pentagone -une bonne source d'informations sur de telles questions- une des premières cibles sera la grille électrique, qui débilitera le reste de l'infrastructure. Les équipements de traitement d'eau, par exemple, cesseront de fonctionner, privant ainsi les personnes d'accès à l'eau potable.

Tout simplement, l'invasion tuera plusieurs des gens que nous avons rencontrés aujourd'hui: les enfants à l'hôpital que nous avons visité, l'homme qui nous a vendus le falafel, les jeunes garçons essayant de ressembler aux hommes dans des uniformes de soldats, les deux hommes riant et chantant en arrière de la jeep que nous avons depassée sur notre route vers Bagdad la nuit dernière, le traducteur avec qui j'ai échangé quelques mots à la conférence de presse. À la différence des allégations, des insinuations et des mensonges absolus de Bush, cette prétention, avec son implication des crimes de guerre, est justifiée par des faits réels (fournis, entre autres, dans le rapport de CESR). Il nous est dur, en tant qu'occidentaux, de regarder les gens d'ici dans les yeux. Je me suis sentie incapable de croiser le regard fixe de deux femmes désespérées attendant avec leurs enfants en dehors de l'hôpital aujourd'hui.

En nous déplacement autour de Bagdad- ville exempte de MacDonald's et d'autres multinationales de manière rafraîchissante - ça nous fait mal de regarder les nombreux beaux bâtiments et mosquées de Bagdad sachant que, si les plans du Pentagone d'ouvrir l'attaque "choc et crainte" est mise à exécution, ces structures fières et splendides seront bientôt des ruines. "Choc et crainte" est le terme du pentagone pour désigner une attaque éclaire massive avec des missiles de croisière. Il est rendu d'autant plus difficile en raison de l'amitié exprimée par les personnes que nous avons rencontrées et la gratitude des Irakiens qui sont au courant de notre travail anti-guerre.

Texte de Lisa Ndejuru

Il y a chez nous une ambivalence constante, un refus de prendre parti, une volonté d'être fair play peut-être, ou juste, de laisser sa chance au coureur. Dans les conflits qui secouent le monde, (et il y en a beaucoup (bien que je commence à penser qu'il n'y en a peut-être juste quelques-uns qui n'en finissent pas de faire des petits, mais c'est une autre histoire) on n'arrive pas toujours à se faire une tête, on aimerait défendre le plus faible contre l'abus du puissant mais, dans ce cas ci, les choses nous sont présentées comme "du moindre mal lequel choisir " et il est difficile d'évaluer le contexte qui nous est donné. (si je suis vague pardonnez-moi, c'est nécessaire) Les autorités ou experts auxquels nous faisons confiance pour nous expliquer ce qu'il en est de telle ou telle situation ne décideront pas à notre place et ne sont pas responsables de nos choix. Les critiques sont rarement constructives. Les média, par soucis d'objectivité nous donnent les deux côtés de la médaille. Tout cela n'aide pas à trancher et au moment où nous nous parlons il faut agir!

Cette guerre c'est quelque chose de vraiment terrible.

J'ai eu l'occasion aujourd'hui de rencontrer Monsieur von Sponeck. Hans von Sponeck a travaillé 32 ans aux Nations Unies, entre autre comme assistant secrétaire général. Il était responsable de la coordination de la situation humanitaire en Iraq pour l'ONU et entre autre la mise en place du programme "pétrole contre nourriture." Il a donné sa démission en 2000 pour protester contre la politique du Conseil de sécurité envers l'Iraq. Monsieur von Sponeck est libre de ses obligations envers l'ONU et nous a dit texto hier que la population du monde entier est victime de désinformation et que la guerre contre l'Iraq que veut mener le gouvernement américain est injustifiée, il est allé plus loin disant qu'il est aisé aujourd'hui de confronter les mensonges à la réalité. Il a dit qu'il y a des tas de membres de l'ONU au courant, pas d'accord, et qui en ont plein sur le cœur. (et qui aimeraient vraiment laisser filtrer des histoires à la presse, il me l'a dit personnellement, je vous le jure!)

Je ne suis pas journaliste pour vous raconter les détails comme par exemple des points du dernier discours de Monsieur Bush qu'il a réfuté là sur place (je dois le revoir demain ou après demain, et je l'enregistrerai pour que vous ayez un peu l'occasion de l'entendre) mais comme il met sa tête sur le billot tous les jours pour dénoncer la situation irakienne (pas une belle image, mais il n'y en a pas beaucoup pour dire que pas grand monde se mouille pour dire non à cette histoire) je lui fais confiance.

Il faut à tout prix éviter cette guerre. Cette guerre est un crime! (et il y a enfin les arguments pour le dire, si vous ne me croyez pas allez voir le rapport de l'équipe du Center for Economic and Social Rights, www.cesr.org, juste des éminents spécialistes, des grosses têtes et ils étaient tous ici, je les ai vus de mes yeux). Faire cette guerre est hors de prix.

Le Canada doit prendre position contre cette guerre et plus que ça : Le Canada doit oeuvrer pour la paix. (Je suis sure que ça reviendra moins cher que la guerre si elle a lieu). Trouvons-nous des alliés dans les autres gouvernements de ce monde. Dans l'entreprise privée, dans la société civile. Partout là où se prennent des décisions.

Monsieur Chrétien, faisons quelque chose parce que cette guerre c'est bien plus que 26 millions d'irakiens qui sont en danger, c'est la justice internationale. Et si moi de rien du tout, ici tout nu, je le sais, alors vous le savez depuis longtemps! Dites nous ce que nous pouvons faire de plus, nous avons marché, nous avons écrit, nous avons chanté, nous nous sommes leve(é)s comme une seule humanité et ça dans dans le monde entier. Vous ne seriez pas tout seul Monsieur Chrétien je vous le jure. Je me sens ridicule mais le ridicule ne tue personne. (Et si vous ne me croyez pas, appelez Monsieur von Sponeck vous-même, je suis sure qu'il cherche des alliés, en passant il a participé à la négociation de la transition du régime de l'apartheid à ce que c'est maintenant!)

Je n'arrive pas ici à prendre des photos pour vous montrer la ville, les gens. Ils sont très gentils avec nous, c'est une très vieille culture ici, Bagdad est belle mais maganée, vous l'aimeriez c'est sûr. J'ai mal au cœur à chaque fois qu'on sort une caméra. (Entre les journalistes et les délégations de ceci et de cela, y en a d'la camera!). Vous savez tous de quoi ça a l'air la fierté, la pauvreté et la misère. On en a plein à la maison. Ajoutez un palmier (pour goûter les dattes allez voir au café Rio sur Rachel). J'ai plus envie de vous raconter.

Nous autres Canadiens, québécois montréalais (c'est pas le temps de faire des chichis) avons bonne réputation dans le monde. Probablement pas chez nos amis du sud puisqu'ils savent combien nous sommes tributaires de leur machine de guerre mais dans le monde nous avons encore bonne réputation. Je pense que nous aimons ce rôle d'agent de paix de justice sociale. Personnellement, j'y tiens beaucoup, c'est bon pour nous à l'interne comme dans nos relations avec les autres nations. Et bien si on le veut ce rôle, assumons-le. C'est le temps là. L'Iraq c'est 26 millions de personnes qu'on ne pourra pas ressusciter quand les atrocités auront commencé. Ce qui se prépare sous le nom de " shock and awe strategy " ce n'est pas secret : C'est de lâcher sur Bagdad plus de bombes en quelques jours qu'il n'y en ait eu dans le pays pendant toute la guerre. (Enfin je n'ai pas l'Internet pour vérifier mes données, le principe étant celui de déverser un arsenal démesuré dans un très court laps de temps). Ce n'est pas une guerre qui est annoncée, c'est du nettoyage.

Qu'est-ce qui nous fait accepter une chose pareille? Que disons-nous à nos soldats qui leur permette de faire des choses pareilles? (pareil pour les États Unis) Ces soldats ont des familles des enfants, des parents, mais qu'est-ce qui se passe. C'est un carnage qui se prépare, un carnage!

Savez vous ce que sont les " cluster bombs ", ce sont des grappes de bombes qui déversent un genre de gravier qui déchiquette tout sur leur passage, un machin comme ça " claire " une superficie grande comme sept stades de football. Un journaliste indépendant qui est ici avec nous qui a été dans les Balkans et en Afghanistan a vu un champs avec des vaches et après les bombes on pouvait voir les lambeaux de viandes partout. (si vous ne me croyez pas demandez à quelqu'un de faire une " contre-expertise ", mais demandez à quelqu'un qui a été la et qui l'a vu!). Les carcasses des tanks sont induites à l'uranium " appauvri", c'est radioactif, donc une fois qu'ils ont servi s'ils sont laissés dans la nature ils contaminent leur environnement. (dans le sud à Basra il y a un nombre important d'enfants qui naissent avec des malformations et des cancers dus aux restes de la dernière guerre, les femmes ont peur d'avoir des enfants) même de nombreux soldats américains de la guerre du Golfe et leur personnel de soutien souffrent de cancer.

Je n'ai jamais compris ni pris le temps de comprendre en détail ou de vraiment compter les différentes manières de tuer, de broyer, de détruire et je n'y arriverai pas aujourd'hui. Je ne comprends pas très bien comment on fait pour mettre le temps pour concevoir construire vendre et acheter ces saloperies. Et qu'on ne me dise pas que tout ça sert a se défendre! Je viens de parler de deux mais il y en a plein, plus neufs, plus beaux, plus efficace, améliorés. Qu'il faut écouler pour en concevoir d'autres ! Il faut qu'on se " réveille ", je suis vraiment désolée, mais ça n'a aucun bon sens! Il y a un organisme COAT à Ottawa qui se penche depuis des années sur la question de comment convertir une économie de guerre a une économie de paix. Jamais je croirai qu'ils sont tout seuls. Ça doit pouvoir se faire. Peut-être pas tout de suite.

Dans mon pays d'origine, ils ont fait ça a la machette, ça a peut-être l'air plus barbare comme ça, mais c'est vachement économique. Ils n'ont pas eu besoin de milliards de dollars. A mon avis tout ça se vaut : c'est pas parce qu'on fait ça "remote control" que ce n'est pas du vrai sang qui gicle, des vraies vies qui sont détruites, et que la vengeance ne ronge pas le cœur de ceux qui restent. Peut-on encore penser que c'est quelque chose d'étrange, d'étranger, que c'est loin, du monde qui s'entretuent, sont don' ben bizarre eux-autres? Alors que les Américains seraient aux commandes de la machine de guerre. Je ne veux pas qu'on écrive des livres après pour expliquer, analyser, prendre le ton de circonstance, se recueillir devant des tombes et dire " plus jamais ça. "

Puis que ça recommence. C'est quand même débile. Dans un individu on appellerait ça un " pattern ", pis un mauvais à part de ça. Ou peut-être un épisode psychotique. Faut se faire soigner!!! Faut qu'on se soigne ça va pas très bien dans le monde!

C'est difficile de s'en rendre compte en descendant la rue Sainte Catherine ou en montant Saint Laurent, (et c'est tant mieux). Mais ici à l'hôtel Palestine (pas de farce l'endroit ou on envoie nos courriels s'appelle ainsi) à Bagdad on attend la fin sans broncher depuis l'automne dernier, comme il y a douze ans et depuis. Le dinar d'ici en valait trois US avant la guerre du golfe. Aujourd'hui mille dinars n'achètent pas un dollar US. Si la guerre est déclarée, il va pleuvoir des bombes comme on aura jamais vu, l'électricité et l'eau seront les premières cibles, l'électricité sert entre autre à alimenter les usines de traitement d'eau déjà fragiles. (ils seront bombardés présumement pour couper les vivres aux militaires, mais ceux-ci ont des génératrices, ce sont les petites gens qui vont écoper). Le pétrole manquera (système d'exploitation et de distribution dérangé), les voitures ne pourront plus circuler. La bouffe et l'eau je ne sais pas trop. Mais les vieilles rancunes auront le temps de s'éveiller. Quelques folies. Les ponts seront touchés, ça veut dire que vos reportages viendront sans doute de l'autre rive du tigre, la où se trouvent les journalistes et le centre des nouvelles. Mon monde à moi reste ici.

Pourquoi est-ce fou de demander un geste de solidarité de tous les leaders de tous les pays pour dire non à la guerre ? Pas non aux États unis mais non à la guerre. Non au carnage. Le plus terrible, le plus terrible c'est que cette guerre semble être un fait accompli (comme celles dont on ne parle plus aujourd'hui) et qu'on devrait peut-être déjà être en train d'essayer d'arrêter la suivante (peut-être l'Iran ou la Corée du Nord) et ainsi de suite.

Dans l'absolu, nous ne sommes peut-être rien. Que l'Iraq disparaisse, ou les États Unis ou toute l'Humanité ce n'est pas grave dans l'absolu. Mais, entre temps, il faut bien vivre. Nous avons déjà commis des crimes atroces et le monde continue de tourner, chaque matin le soleil se lève, chaque matin il faut gagner sa croûte et ça devient de plus en plus difficile. Mais je pense aussi que ça devient de plus en plus difficile dans la mesure ou moins on se sent capable de croire aux belles choses, plus on a de méfiance. Et plus on s'attend au pire et plus vite il arrive, et plus souvent, comme s'il avait peur de nous décevoir, lui. J'ai décidé de croire, croire dans le sens de " mettre de l'énergie en quelque chose " faire confiance non pas comme un enfant qui a peur d'être oublié, mais comme un adulte qui voit bien que c'est nécessaire et qu'il faut le faire, donner la confiance (une énergie " positive ") garder cette porte ouverte en agissant en fonction d'elle. Chacun, chacune s'il vous plait, qu'est ce qu'on peut faire pour que cette guerre n'ait pas lieu!!

Écrire une lettre au Premier ministre peut-être. On a l'air fou, mais il ne faut pas lâcher.

Je vous embrasse Lisa.