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[ FRONT ]
Report-33: Sous le bombardement et l'invasion de Baghdad par Robert Turcotte
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Rapport Baghdad, 1 au 6 avril 2003

Hier soir nous avons eu droit à deux bombardements qui nous ont fait lever de nos chaises et se poser la question si nous ne devions pas descendre dans l'abri. Heureusement ce fut l'accalmie juste après. Ce sont les plus intenses que nous ayons subit dans notre secteur depuis le 20 mars. C'est avec beaucoup d'émotions que j'assiste ce matin au départ de 14 membres de l'équipe, particulièrement celui de Lisa et Zéhira de Montréal et des autres Canadiens, Stewart Vriesinga et Lisa Martens. Les dernières nouvelles nous informent que l'Irak en est à 600 civils de morts et à 4000 blessés. Toutes des victimes humaines et innocentes. La vie reprend lentement dans la ville.

Compte tenu que Baghdad est une ville extrêmement grande soit 100klm du nord au sud et presque autant d'est en ouest et que les bombardements s'effectuent ici et là à l'intérieur de ce périmètre et que les gens s'attendaient à une attaque massive, ce qui n'est pas le cas, de plus en plus de commerces et des marchés publics sont réouverts et très achalandés et la circulation automobile augmente en densité croissante chaque jour. Jusqu'à présent nous n'avons annulé aucune une sortie, où que ce soit dans la ville. À chacun de ces déplacements nous apercevons de nouveaux édifices ayant été bombardé. April, Charles, Jooneed et moi rencontrons le directeur de l'hôpital Kindi, docteur Houssama Saaleh. Dans la seule journée d'hier ils ont reçu 45 blessées provenant de deux quartiers, Al Ameen et Al Dhahliyeh et dans lesquels 7 personnes sont décédées. April s'informe d'un blessé qui serait arrivé ici le 30 mars. Ali Isamël Eadan, 12 ans. Il a eu les deux bras brûlés et arrachés ainsi que tout l' abdomen brûlé au 3ième degré. Il est le seul survivant du bombardement de deux maisons voisines où habitaient tous les membres de sa famille soit 17 personnes, toutes mortes. Le docteur Saaleh nous offre d'aller le rencontrer mais nous refusons. Il nous montre des photos sur son ordinateur d'avant et après son opération. Ça n'a rien à voir avec les services que reçoivent nos grands brûlés. Dès le lendemain il était dans une chambre avec d'autres blessés et sans installations différentes des autres. Le docteur en profite pour nous montrer une série de photos de personnes de tous âges qui furent tués ces derniers jours pendant des bombardements. Je n'avais encore jamais vu de telles horreurs; Des corps carbonisés, déchiquetés, en pièces détachées, des moitiés de têtes et en j'en passe. Sur demande il nous en fait des copies sur disquettes. Il mentionne qu'avec les problèmes de communications les gens transportent les blessés dans des boîtes de camions où en autos ce qui aggravent le plus souvent leur cas ou, des gens sans expérience tentent d'aider les blessés mais empirent leurs états. Plusieurs personnes sont décédées en arrivant à l'hôpital pour ces raisons. Il signale que depuis les sanctions économiques ils manquent de ressources pour renouveler leurs équipements tels les scanners, l'imagerie à résonance magnétique(IRM), et autres équipements de radiologie qui leurs sont indispensable pour travailler efficacement. L'achat de seulement 100 ambulances pour tout le pays a été autorisé par L'ONU au cours des deux dernières années. Ils n'ont pas le choix de travailler q'avec les moyens du bord puisque ces appareils doivent être importés et les importations sont interdites. En après midi nous visitons un autre site bombardé hier dans le quartier Al Ameen situé dans l'est de Baghdad. La bombe a éclaté dans les airs au-dessus de deux maisons. Les milliers de fragments du missile ont tué 2 jeunes filles de 3 ans et un jeune garçon de 5 ans en plus de blesser 12 personnes. Nous visitons la maison de M. Haeden Abdul Mohammed qui a perdu 2 enfants. Nous remarquons les milliers de trous fait par ces fragments sur la maison, à l'intérieur et à travers des barils de métal. En examinant différents fragments nous notons des inscriptions : RADOM NOT PAINT, RESEAR 01 1365S, SEASTROM, YAW A2MP3 9003ASS, MFR 9621 et le plus intéressant : JX2N3902 MADE IN USA 8642. Il est difficile de se tromper sur l'origine de ce missile. Autre nouvelle, un entrepôt, à Basrah, contenant 75,000 tonnes d'aliments que les autorités distribuaient en ration quotidienne à la population, a été bombardé par les Américains.

2 avril 2003

Ce matin, les quatre derniers résidents du Andalus, membres de IPT, devons déménager à l'hôtel Al Fanar compte tenu que notre équipe est réduite à quatorze membres. Communications et sécurité obligent. Nous héritons de chacun une chambre individuelle avec une magnifique vue panoramique. Je suis à la chambre 306 avec toutes les commodités d'un bon hôtel. Jooneed et moi accompagnons le docteur Yarub Al Shiraida, originaire d'Irak et vivant à Edmonton au Canada depuis 27 ans. Il est ici depuis un mois à travailler avec l'organisme Life for Relief and Development, qui a un statut de consultant avec le Conseil Social et Économique des Nations Unis (www.lifeusa.org ) en collaboration avec Irak Red Crescent Sociéty. L'Organisme est ici depuis 1993 et a participé à réparer 10 centres de traitement des eaux, reconstruit 34 écoles primaires et mis en place 4 centres de formation en informatique. Le Canada fourni $200,000. par an et les États Unis $1 millions. Pour venir en aide à la population sinistrée pendant cette guerre l'organisme a mis en place des services d'urgence. Nous visitons deux hangars dans lesquels des produits sont entreposés puis distribués dans le pays. Il y a présentement 50 tentes de six personnes, 2000 couvertures dont 4000 viennent d'être distribuées, 4000 récipients de plastique dont 6000 déjà distribués, des poches de lentilles, de fèves, de riz, et autres qu'ils emballent en portion familiale, des bouteilles d'eau et d'huile végétale et de pâte de tomate et autres vivres qui seront distribués. D'autres organismes tels Human Relief Foundation, Enfant du Monde, Bridges to Bagdad et CARE entreposent aussi ici. De ce lieu nous allons dans leur bureau où des gens sont à préparer des centaines de trousses d'urgences dont chacune contient des produits de premiers soins, une lampe électrique, deux batteries, une paire de ciseau et un gros savon. En arrivant à l'hôtel nous apprenons qu'un centre de foire, situé dans le quartier de Al Mansur, a été bombardé à plusieurs reprises et totalement démoli. Le bureau de direction de Irak Red Crescent Sociéty qui est situé tout près de ce centre a été endommagé et il y aurait des blessés parmi le personnel. À 14h15 nous assistons à la conférence de presse du ministre de l' information, Muhammad Sa'ied Al Sahaf. La salle de l'hôtel Palestine, qui est devenu le nouveau centre de presse depuis le bombardement de l'original, est bondée de journalistes et de caméramans. Le ministre fait sa critique des gouvernements américains et anglais et annonce qu'il y a eu environ 90 blessés et 10 morts parmi la population civile dans la seule soirée d'hier et détaille la provenance de ces victimes à travers le pays. Il parle de la tactique du booby trap, pratiqué par les Américains, qui consiste à lancer au sol des menus objets tels des jouets, des crayons et autres pour faire sortir les enfants des maisons et pendant qu'ils ramassent ces objets ils les bombardent. Si cette déclaration est véridique nous pouvons se demander jusqu'ou peut aller cette folie meurtrière. Il annonce la destruction de 7 tanks, 2 hélicoptères apaches et de 10 transporteurs. Hors conférence nous apprenons qu'une récompense de 10 millions de dinars ($3,300.US) est offerte à toute personne qui dénoncera un espion. C'est une petite fortune ici par les temps qui courent. La journée fut encore fertile en bombardements. Je commence à me demander sérieusement à quoi ils veulent en venir avec cette forme d'attaque en démolissant des édifices vides et en tuants des civils dans leurs maisons privées. Pourquoi les troupes terrestres n'avancent-elles pas et ne se mesurent telles pas contre des militaires au lieu de s'en prendre aux civils sans défense ? L'Irak n'a pas de défense aérienne faute d'avions, où est le défit des pilotes américains et anglais puisqu'ils sont seuls dans les airs. Est-ce pour le plaisir de lancer des missiles et de se donner une raison du devoir accompli ? Est-ce une expérimentation de leurs nouveaux armements soit disant de précision ? Combien de victimes ont-ils besoin pour faire leur évaluation ? En plus d'être une guerre illégale elle est injuste et dépourvue de sens. Ça commence à ressembler à des crimes de guerre totalement gratuits.

3 avril 2003

Nous avons droit à une nuit très active en bombardement et en riposte.Je retourne à l'hôpital Kindi avec Bettejo pour aller donner des crayons à colorer et cahiers de dessins à cinq jeunes enfants sérieusement blessés dont une jeune fille qui a perdu la moitié d'une jambe. Bettejo a apporté un appareil polaroïd avec lequel je les photographie avec leurs mères et/ou grands-mères pour ensuite leur donner les photos. Nous avons fait des heureux et ils nous le démontrent très chaleureusement. Je n'ais pas fait documenter ces blessés pour ne pas briser le sympathique atmosphère qui y régnait. Au retour nous allons à deux conférences de presse. Le ministre de l'information fait ses annonces de réussites au combat en qualifiant les troupes anglaises et américaines de mercenaires. Il dément les informations à l'effet que les mercenaires gagnaient du terrain et qu'ils étaient sur le point de conquérir Basrah. Il dit que l'armée irakienne a un parfait contrôle de la situation. Le ministre du commerce dénonce les attaques aux entrepôts d'alimentation à Basrah, à Nasiriya qui souffrent d'approvisionnement et à Bagdad. Il met l'accent sur les importantes pertes de lait et de yogourt prévu pour les enfants. Nous perdons l'électricité à 20h et la génératrice de l'hôtel nous alimente jusqu'à 23 h.

4 avril 2003

Nous avançons nos montres d'une heure aujourd'hui. Depuis hier soir nous avons perdu l'électricité. Nous ne savons pas encore si elle a été coupée par les Irakiens pour pouvoir mettre en place leur système de défense ou si les installations ont été bombardées par les attaquants qui, apparemment, s'approchent de plus en plus. Il est difficile de savoir car plein de rumeurs circulent et les informations diffèrent selon les sources. Les journalistes ne peuvent savoir eux non plus car ils sont confinés dans l'hôtel le Palestine et dans la cour extérieure et n'ont pas accès au front. Ils ne voient rien de plus que nous même. Je serais curieux de voir et d'entendre ce qu'ils transmettent au Canada. Pendant un temps ils essayaient de se coller à nous pour profiter de nos autorisations de visite. Notre escorte a mit fin à cette pratique après deux jours. Ils ont l'air d'une meute de loup en cage prêt à mordre celui ou celle qui a réussi à obtenir une information. Avec cette coupure d'électricité ils sont plus dans la merde que nous car lis n'ont plus d'eau ni d'électricité aux chambres. Certains journalistes ont leur propre petite génératrice pour leur ordi et pour une petite lampe. Notre hôtel dispose d'une génératrice qui nous désert tous les services. À 13h Zaid, notre escorte, nous informe que des centrales électriques furent bombardées par les Américains avec des missiles particuliers fait de fibres de verre lancés à l'intérieur des centrales et non à l'extérieur. Aussi, il nous annonce que 800 missiles ont été tirés dans la nuit d'hier, que l'aéroport de Baghdad, qui se situe à trente kilomètres, est sous le contrôle américain, que deux ponts et des routes menant à Bagdad ont été bombardés et que 33 voitures de civils en provenance d'Iran ont été tirées et les occupants tués. Il est très préoccupé pour notre sécurité et nous avise d'être encore plus prudent particulièrement pour les photos et autres appareils dont nous ne disposons pas comme des walki talki et autres appareils de transmission. Il nous conseille même d'aller dormir dans l'abri puisque car, incluant hier, il est prévu deux autres nuits intenses de bombardements. Il quitte la réunion pour nous laisser méditer là dessus entre nous. Nous révisons ensemble notre plan d'urgence et nos provisions advenant que nous devions s'isoler, vérifions notre budget pour être certains de ne pas avoir à dépendre des autorités d'ici pour quitter le pays puisque les coûts augmentent de façon faramineuse au fur et à mesure que les Américains approchent, se rappelons l'attitude à prendre et les consignes à suivre si nous sommes capturer par l'armée américaine ainsi que par les autorités, qui eux nous connaissent très bien, qui décideraient de se servir de nous comme boucliers humains. Tous sommes prêt à faire face à la musique et personne ne se sent suffisamment insécurisé pour aller dormir dans l'abri ce soir. Personnellement je considère que ce secteur est possiblement le plus sécuritaire de la ville puisque les deux gros hôtels qui nous voisines débordent de journalistes et autres internationalistes et qu'il est peu probable qu'ils soient une cible désignée car si c'était le cas l'image des attaquants en prendrait tout un coup et cela se retournerait très rapidement contre eux. Il est minuit pendant que j'écris ces lignes au son excessif de la grosse génératrice de l'hôtel. En même temps, dans cette ville éteinte, dans le ciel partiellement étoilé s'intillent de petites lumières provenant d'un type de tirs qui produit des crépitements réguliers suivis d'un gros boum.

5 avril 2003

Les tirs de différentes tonalités retentissent régulièrement. Lorsque notre génératrice s'est tue à minuit et que mon ordi s'est éteint, je me suis rendu à la chambre de Martin au 5ième étage. Avec Marinella, l'Italienne de l'équipe qui est déjà sur place, nous discutons jusqu'à deux heures, des mots, utilisés dans nos langues respectives, qui ont une résonance à caractère violent. Pendant les dernières minutes, du balcon, nous observons d'intenses rayons de lumière rouge qui apparaissent de façon intermittente dans deux secteurs distincts de la ville. Il ne fait aucun doute que des combats sont en cours. À peine coucher, à 3h, deux sons de tonnerre retentissent coup sur coup. Les gros canons résonnent jusqu'au fond de ma chambre. Toute la nuit la porte de ma chambre claque légèrement à chaque tir d'intensité moyenne parce que je laisse ma porte patio ouverte de quelques centimètres pour éviter que les vitres éclatent avec la pression d'air produite par les tirs. À la réunion nous discutons de nos positions individuelles advenant l'invasion des alliers et du contenu de la déclaration de IPT qui est en cours de préparation. Il se dessine deux camps, les modérés et ceux qui optent pour la provocation des envahisseurs. La conclusion reste en suspend mais chacun est d'accord pour respecter les positions de chacun. Vers midi des voitures de polices circulent dans les rues, toutes sirènes activées, photos de Saddam exhibés par les fenêtres, tirs de pistolets dans les airs, des gens qui accourent sur le bord des rues en échangeant le signe de peace avec les doigts, pour annoncer que 5 tanks américains viennent d' être détruits à cinq kilomètres d'ici. La joie se lie sur les visages. Notre escorte nous paie le dîner à nos chauffeurs et à nous tous pour célébrer cette victoire; Bien petite selon moi ! Une heure plus tard, deux gros autobus bondés de journalistes passe prêt de notre hôtel. Nous sommes certains qu'ils se dirigent vers ce site de combat mais j'apprendrai plus tard qu'ils n'y sont pas aller mais qu'ils ont été conduit à un hôpital sans rien n'y voir, même à cet endroit. Toutefois, Jooneed a plus de chance qu'eux. Zaide accepte qu'il s'y rende avec un chauffeur à la condition de ne prendre aucune photo, ni de notes et que la voiture ne fasse que passer sans s'arrêter. Il observe effectivement cinq tanks alliés démolis mais aussi 3 camionnettes détruites qui transportaient des milices irakiennes. Aucune idée du nombre de victimes. Cette fois il est clair que nous venons d'entrer dans une autre phase de cette guerre. L'invasion dans Baghdad est en cours. L'artillerie devient présente et visible dans les rues. Dès ce matin nous pouvions observer les rues désertent pour faire place aux véhicules de guerre. Toutefois notre secteur semble encore privilégié puisqu'un seul tank du pays n'a été aperçu. Il n'a fait que passer. Il s'en est fallu de peu pour que l'on soit déménagé au Andalus parce que le proprio du restaurant Al Fanar n'a pas apprécié que Zaide commende à l'extérieur le repas du midi. Ce dernier n'a pas apprécié la réaction du proprio et nous a dit de faire nos bagages mais nous avons refusé. Nous verrons demain s'il y aura des suites. Sans lien avec cette histoire, Martin, qui a acheté hier tout ce qu'il faut pour préparer à manger, nous invitent tous à souper dans la chambre du bureau, question d'économies pour l'équipe.

 

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